Au fil des années, les réseaux sociaux ont développé un lexique et un langage bien particuliers. Hashtags, abréviations, smileys : autant de codes utilisés pour communiquer plus vite et renforcer son sentiment d’appartenance à une communauté. Zoom sur la construction de la langue d’Internet, à la fois universelle et cryptée.

Twitter, Facebook : un langage à la fois normé et flexible

Fait d’abréviations, de smiley, de hashtags (ou « mots-dièses », comme préconisé par la Commission générale de terminologie et de néologie), le langage de Facebook et de Twitter est aussi celui d’Instagram, de WhatsApp et des forums réunissant les adeptes de sport, de jeux vidéo et autres loisirs divers.

Langage Internet, langage texto, même combat ?

On retrouve dans ce « langage Internet » plusieurs caractéristiques propres au SMS, à commencer par le langage abrégé hérité d’une époque où les messages étaient facturés selon le nombre de caractères qu’ils contenaient. Une particularité qui a poussé les usagers à contracter les mots au maximum, faisant fi des règles orthographiques et grammaticales. « Salut, comment ça va ? » devenait ainsi « slt, cmt sava ? » : une source d’économie pour les consommateurs et d’ulcères chez bien des professeurs de français.

Ce langage abrégé est toujours usité sur Twitter. Alors que la plateforme limite les tweets à 140 caractères, les internautes doivent ruser pour faire passer leur message sans dépasser la limite, quitte à sacrifier l’usage du bon français. Sigles, initiales, abréviations qui tiennent parfois du message subliminal : le symptôme touche les particuliers, mais aussi les journalistes.

Autre emprunt au langage SMS : l’usage voire l’abus de smileys et d’émoticones pour manifester son approbation, son désaccord, sa joie, ou tout simplement son envie de manger des sushis en portant un chapeau mexicain (la liste d’émoticones est infinie). Ces pictogrammes, très répandus chez les jeunes utilisateurs, font également des adeptes chez les internautes plus âgés et dans les médias. Et même chez nos représentants politiques :

Pour la petite anecdote, la famille politique la plus adepte de ces pictogrammes colorés sur les réseaux sociaux est… le Front National. Un phénomène marquant une volonté de séduire une audience jeune en adoptant ses codes, quitte à soigner la forme au détriment du fond ?

Lexique des réseaux sociaux

Les internautes se sont rapidement et implicitement mis d’accord sur les abréviations à utiliser, dans le but de comprendre et de se faire comprendre en ligne. Pour survivre sur Internet, mieux vaut maîtriser le langage de Facebook, Twitter, WhatsApp ou encore Instagram. (Tout petit) aperçu des termes les plus usités :

#TGIF : Thanks God It’s Friday : pour manifester votre joie à l’approche du week-end.

#JDCJDR : Je dis ça, je dis rien. La forme 2.0 de la prétérition, soit l’art de dire quelque chose en annonçant qu’on ne le fera pas. Exemple : « Je me suis coincé le doigt dans une porte, c’était plus agréable que le dernier album de Benjamin Biolay, #JDCJDR ».

#OOTD : Outfit of the day : pour partager votre tenue du jour. Fonctionne également avec NOTD (Nail of the day) ou SOTD (Shoes of the day) pour montrer votre vernis ou vos chaussures du jour au monde entier, qui n’attend bien évidemment que ça.

#LesGens : sert à manifester votre exaspération face à une catégorie de personnes, cibles favorites des internautes – les personnes qui restent immobiles à gauche de l’escalator, celles qui embaument les rames de métro de leur odeur musquée aux heures de pointe.

#PornFood ou #FoodPorn : utilisée sur les réseaux sociaux pour partager une photo d’un repas si beau qu’on hésite à le manger. Fonctionne beaucoup moins bien avec la brandade de morue et le cassoulet.

lol, mdr, ptdr, XD : à utiliser pour signifier à votre interlocuteur qu’il est hilarant, ou que vos propos doivent être pris avec humour. « On a été cambriolés, lol » est donc à proscrire.

#NoFilter : pour indiquer que votre photo est postée « sans filtre » c’est à dire sans modification, qu’il s’agisse d’un ciel flamboyant, d’un océan bleu azur ou de votre 14e selfie de la journée.

#Buzz : signifiant « bourdonnement » en anglais, le terme désigne le bruit fait autour d’un évènement comme la sortie d’un album, une séquence d’émission ou un discours politique. Le « buzz » peut être bon ou mauvais : on parle alors de « badbuzz ». Donald Trump est d’ailleurs un spécialiste du genre.

Le langage Internet, évolution naturelle ou régression ?

Mots tronqués, néologismes, anglicismes à foison, usage de smileys pour exprimer ses émotions, orthographe négligée : à première vue, le langage Internet participe à une transformation de la langue, qui aurait tendance à s’appauvrir.

Ce mode de communication, qui est à la fois une manière de se distinguer des adultes et de s’identifier à un groupe, est en réalité une vraie évolution du langage. Une étude de la Haute école zurichoise des sciences appliquées démontre que les jeunes sont capables d’alterner entre les différents modes d’expression, sans que le langage Twitter et Facebook n’altère leur orthographe ni leur syntaxe.

Un autre projet mené à l’Université catholique de Louvain en Belgique montre que les personnes qui adoptent ces codes sur les réseaux sociaux développent une pluricompétence, selon Louise Amélie Cougnon, chargée de recherche à l’UCL. « Ils savent jongler entre une écriture normée et une langue avec laquelle on joue, où l’on remplace des lettres par des chiffres ou des émoticônes ». Un mode de communication qui obéit à des règles bien précises et que les chercheurs en sociolinguistique, sociologie, langage et psychologie de l’université entendent décrypter.

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