Les éditions Zulma et Mémoires d’encrier lancent Céytu, un label de littérature contemporaine en wolof. Trois titres traduits du français vers le wolof inaugurent la collection, sous la direction de l’écrivain Boubacar Boris Diop. Les couvertures, au design fort, se déclinent aux couleurs de l’Afrique.
Laure Leroy, la directrice des éditions Zulma, revient sur la genèse de cette aventure unique dans le paysage éditorial français.

Comment est née l’idée d’une collection de littérature en wolof ?
Laure Leroy : L’idée est née d’une conversation avec Boubacar Boris Diop, dont Zulma a notamment publié Murambi, le livre des ossements. La question des langues africaines le passionne, il a lui-même écrit l’un de ses romans directement en wolof. Et il a enseigné plusieurs années à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis, en wolof. Il est le directeur de collection de ce nouveau label. De notre côté, chez Zulma, nous publions des romans, récits et nouvelles du monde entier, à travers des traductions de plus d’une vingtaine de langues (malayalam, tamoul, ou bengali, par exemple). Cela m’a semblé passionnant de tenter l’aventure en sens inverse : traduire du français en wolof – sans quitter notre domaine de prédilection : la littérature contemporaine. Quant à Rodney Saint-Eloi, qui dirige les éditions Mémoire d’encrier à Montréal, son engagement pour la diversité et sa passion pour le Sénégal en faisaient un partenaire évident, aussi idéal qu’enthousiaste.

Est-ce que c’est la première fois qu’un éditeur français crée une collection de littérature en langue africaine ?
L.L. : J’avoue ne pas m’être posé la question. Mais comme pour tout, il est probable que nous ne soyons pas les premiers…

Comment s’est fait le choix des trois premiers textes et quel type de texte pourriez-vous accueillir à l’avenir ?
L.L. : A vrai dire, le choix de ces trois premiers textes s’est fait très vite. C’était d’emblée une évidence.
Une Saison au Congo, d’Aimé Césaire, a bien sûr un caractère politique. C’est le titre avec lequel Boubacar Boris Diop, qui en est le traducteur, voulait lancer la collection.
Une si longue lettre, de Mariama Bâ, est un classique de la littérature sénégalaise, mondialement connu, qui fait signe à tous les lecteurs intéressés par le wolof et/ou le Sénégal.
Quant à L’Africain de JMG Le Clézio, c’est un magnifique hommage au continent africain.
Nous poursuivrons sur cette lancée. L’idée n’est pas de faire découvrir des textes, que tous nos lecteurs auront bien sûr déjà lus en français ou en anglais, mais plutôt de leur offrir le plaisir de les redécouvrir en wolof.

La collection vise la diaspora sénégalaise en Europe et en Amérique du Nord, mais également les Sénégalais et, dans une moindre mesure, les locuteurs de wolof en Gambie ou en Mauritanie. Comment est-ce qu’on construit la stratégie de diffusion dans ces conditions ?
L.L. : A chaque territoire sa stratégie, bien sûr… Mais comme notre démarche est totalement inédite, tout est à inventer. Je suis certaine que nous allons apprendre beaucoup au fil du temps. La première étape est de faire connaître l’existence de ces livres, par la presse et les réseaux sociaux notamment, et de les rendre disponibles a minima un peu partout, via notre distributeur, la Sodis. Au Sénégal, nos livres seront disponibles dès la mi-avril dans les trois principales librairies de Dakar : Les Quatre vents, ClairAfrique et Athéna. En France, en Suisse, en Belgique et au Canada, une centaine de libraires ont joué le jeu. Aux Etats-Unis, où le wolof est enseigné dans de nombreuses universités, nous avons un très bon relais avec la librairie Albertine. Et partout dans le monde, ces libraires ont des sites de vente ou de réservation en ligne. Auxquels s’ajoutent bien sûr les classiques du genre comme amazon.fr ou amazon.com
Afin de pouvoir orienter nos lecteurs qui, nous le constatons, viennent du monde entier, nous mettons régulièrement à jour la liste des points de vente par pays sur notre site : www.ceytu.fr
Et d’ici à quelques mois, nous espérons pouvoir les proposer au format numérique également.

Le prix sera différent en France et au Sénégal. Il y aura donc des ISBN différents ?
L.L. : C’est un peu technique, mais la meilleure solution semblait d’imprimer un seul tirage, et d’attribuer des prix de vente différents selon les territoires.

Le site de Céytu est en anglais et en français, mais pas en wolof. Pourquoi ?
L.L. : Nous ne savons pas forcément qui sont nos lecteurs. Mais il est probable que ce sont tous des lettrés, amoureux de littérature, et parfaitement francophones ou anglophones. Ce sont deux langues à travers lesquelles nous pouvons échanger facilement.

Pour finir, un mot sur le travail graphique de la collection. Quel était le brief ?
L.L. : Nous voulions donner à Céytu une identité graphique très forte et très qualitative. Que nos livres soient beaux, de façon immédiate et frappante. Une langue est belle aussi à travers sa graphie. Et c’est une manière de la mettre en valeur que de miser ainsi sur une couverture strictement typographique.
David Pearson a su inventer pour Zulma des couvertures et un design uniques dans le monde. Je crois que Céytu fera date pour cela aussi.

Le site de Céytu